⛔️ Appel clôturé – numéro spécial de Géocarrefour

📅 Les propositions sont à soumettre avant le 15 novembre 2023.
📍 Parution fin 2024

Appel à texte dans la revue Géocarrefour, pour un numéro spécial à paraître fin 2024 intitulé : Pour une géographie des transitions territoriales ? Cadres conceptuels, défis méthodologiques et regards critiques.

Les territoires sont-ils des accélérateurs de la transition ? C’est ce que semblent suggérer les nombreuses réflexions actuelles sur les contributions du territoire – de ses acteurs, de ses proximités, de ses héritages, de ses ressources et de ses échelles -, aux transitions des modes d’habiter, de produire et de consommer, des systèmes de gouvernance et des rapports au vivant, etc. (Bouisset et Vaucelle, 2020 ; Buclet, 2021 ; Gasselin et al., 2021 ; Tabourdeau, 2021 ; Loudiyi et al., 2022 ; Durand et al., 2022). Mais quels sont les ressorts analytique, méthodologique et éthique de cet engouement territorial ? Traduit-il l’émergence d’une « géographie des transitions territoriales » ? Quels en seraient les contours, les caractéristiques et les visions de la transition véhiculées ? Avec quelle pertinence et quelles limites pour affronter l’urgence écologique et les enjeux de justice associés ?

Au niveau international, la géographie des transitions s’est constituée en réponse à la « naïveté spatiale » (Coenen et al., 2012 ; Lawhon et Murphy, 2012) des théories qui dominent la littérature interdisciplinaire des Sustainable Transitions Studies (Geels, 2002 ; Kholer et al., 2019). Concevant la transition comme un processus d’innovation sociotechnique guidé par la coévolution de changements technologiques, institutionnels, économiques, et sociaux, ces théories tendent en effet à éluder l’influence des contextes géographiques, les logiques de différentiation territoriale et la multi-scalarité des organisations et des acteurs. Ces théories sont également accusées d’être trop centrées sur les experts et les élites, comme seuls capables d’impulser une dynamique de changement et d’idéaliser la transition en oubliant les luttes et les conflits induits par la redistribution des risques et des ressources, des richesses et des pouvoirs (Lawhon et Murphy, 2012 ; Sovacol, 2021). Au final, ces critiques ont favorisé l’émergence d’un corpus de travaux structuré autour de trois entrées clés : l’ancrage socio-spatial des transitions et les inégalités géographiques ; l’articulation des échelles et la diffusion des innovations ; les relations de pouvoir et les recompositions du capitalisme (Murphy, 2015 ; Truffer et al., 2015 ; Loudiyi et Cerdan, 2021). Tout en soulignant l’importance des singularités territoriales, des proximités et des coordinations situées dans les dynamiques de transition, cet agenda de recherche rappelle donc aussi que les échelles et les catégories spatiales, telles que le « local », les « villes », les « régions » ou « le sud global », ne constituent pas des entités géographiques prédéfinies, mais s’inscrivent dans des interdépendances horizontales et verticales qui évoluent et font l’objet de luttes définitionnelles. Il invite notamment à développer des concepts et des méthodes permettant de penser la manière dont des processus apparement spécifiques à un territoire influencent et sont influencés par des interventions politiques, des récits, des entreprises ou des dispositifs réglementaires « distanciés » (Labussière et Nadai, 2018 ; Binz et al., 2020). Ainsi, cette géographie des transitions reste un champ de recherche en construction, travaillé par les influences de la géographie économique et de la political ecology, largement fondé sur des cas d’étude et devant encore expliciter ses apports théoriques et ses définitions de la transition (Hansen et Coenen, 2015 ; Binz et al., 2020).

Questionner les apports et les spécificités d’une éventuelle « géographie des transitions territoriales » nécessite de s’interroger sur la manière dont les transitions, dans leur diversité d’acception, affectent les fondements et les finalités même du développement territorial. De fait, les contraintes écologiques et la finitude matérielle bousculent la primauté donnée aux facteurs socio-culturels et à la valorisation économique des ressources (Gonin, 2021 ; Durand et al., 2022). L’intérêt renouvelé pour les « biorégions », conçues a minima comme des territoires de vie tenant mieux compte des limites écologiques et géographiques des systèmes naturels habités par les communautés humaines, témoigne également des recompositions en cours autour des dynamiques de ré-attachement aux milieux écologiques (Giard et al., 2021). Source de relocalisation et de réhabitation, de décentralisation et d’autonomie, le biorégionalisme n’est toutefois pas dénué de fantasmes ni d’ambivalences idéologiques car ses propositions territoriales naviguent sur une ligne de crête, entre émancipation et projet réactionnaire (Pelletier, 2008 ; Rollot, 2018 ; Dubiau, 2022). Plus largement, l’insuffisance des politiques de développement durable (Theys, 2002) ou l’émergence d’un capitalisme « climatique » (Newell et Mulvaney, 2013) montrent toute la difficulté d’une transition « juste », articulant justice sociale et défi écologique (Laurent, 2023). De même, l’autonomie alimentaire et énergétique des territoires ou leur autosuffisance, comme utopies, champs des possibles ou réalités interrogent de manière frontale la multi-scalarité des problèmes et la montée en échelle des expérimentations collectives. Le passage d’une échelle à l’autre est à la fois urgent et rempli de dangers, entre renouvellement de l’action collective, injonction de l’Etat et récupération par les marchés (Nadai et Wollenberg, 2019). Certes, des notions comme le « trans-localisme » (Blay-Palmer et al., 2016), « l’opérateur territorial de transition » (Durand et al., 2022) ou « le métabolisme territorial » (Buclet, 2021) constituent autant de pistes fécondes, parmi d’autres. Mais les quelques écueils évoqués permettent de rappeler que, tout comme la transition, le territoire possède une forte dimension normative et que la convergence supposée du local et du durable n’est pas exempt d’ambiguïté (Banos et al., 2020).

Il semble également important de clarifier les conceptions de la transition associées à « la géographie des transitions territoriales ». Le territoire est parfois présenté comme échelle pertinente de mise en œuvre d’alternatives écologiques au modèle productif dominant (Lenglet et Caurla, 2020), voire comme une voie de transformation socio-environnementale radicale, résolument démocratique et renouvelant les relations entre humains et non-humains (Durand et al., 2022 ; Koop, 2022). Certains suggèrent, a contrario, que les cadrages de la transition les plus relayés, aux niveaux territoriaux, relèvent de logiques descendantes et de modèles institués du développement durable, et plus récemment de la bioéconomie (Ginelli et al., 2020). D’autres encore mettent plutôt l’accent sur la diversité, la coexistence et la confrontation des modèles (Gasselin et al., 2021 ; Loudiyi et al., 2022). Le flou conceptuel entourant les notions de transition et de transformation n’est sans doute pas étranger à ces hésitations (Hölcher et al., 2018 ; Feola, 2015). Mais si ces termes, souvent utilisés de manière interchangeables, peuvent être complémentaires, ils ne renvoient pas tout à fait aux mêmes processus. Alors que la transition désigne la manière dont un (sous-)système passe d’un état A à un état B dans un monde relativement stable, la transformation impliquerait un changement plus global, plus structurel des rapports de pouvoir et des relations à la nature (Hölcher et al., 2018 ; Feola, 2020). Et comme la transition ou la transformation sont loin d’être les seules options possibles, les territoires pourraient aussi être le siège d’une résilience adaptative qui, prenant acte de l’instabilité chronique du monde, invite à développer une capacité à s’adapter qui évolue avec les effets des dégradations (Nadai et Wallenborn, 2019). Cette pluralité de trajectoires aux implications politiques bien différenciées pose in fine la question des conflits et des rapports de pouvoir qu’elles sous-tendent, de leurs modalités d’expression et de régulation à l’échelle des territoires et du rôle du géographe, de sa posture et de son engagement, dans ces processus de (dé-)politisation.

L’exercice réflexif proposé par ce numéro spécial s’adresse à tous les géographes travaillant sur les transitions territoriales, ces dernières pouvant être appréhendées comme une géographie qui s’attaque aux dimensions territoriales des transitions socio-écologiques mais aussi plus largement comme une géographie des territoires en transitions. Son objectif est de constituer un espace de dialogue permettant, au-delà de la diversité des objets et enjeux traités (alimentation, énergie, mobilités…), de dresser un panorama de ce champ de recherche, de ses avancées, de ses angles morts et de ses horizons au sein de la géographie française et internationale. Pour ce faire, nous proposons trois axes de questionnements.

Quelles communautés géographiques pour et autour de la géographie des transitions ?

Il s’agit de s’interroger sur les contours de la géographie des transitions, ses caractéristiques et ses différents courants, en accordant une attention particulière aux approches territoriales, leurs apports et leurs spécificités éventuelles. Comment et par qui ce champ émergeant de la géographie est-il approprié et revendiqué ou, au contraire, contesté et rejeté ? Autour de quels enjeux, thèmes et objets, de quelles influences et filiations théoriques (Sustainable Transitions Studies, géographie économique, political ecology…) se construisent les points de convergence et les lignes de fracture ? Quelles sont les originalités et les avancées proposées par les approches territoriales ? Comment ces dernières permettent-elles de mieux appréhender les moteurs, les rythmes et les modalités de mise en œuvre des trajectoires de transition ? In fine quels seraient les contours et les attributs d’une « géographie des transitions territoriales » ?

Comment les dynamiques de transition renouvellent-elles la boîte à outil territoriale ?

Il s’agit de se demander ce que les transitions socio-écologiques, par les interdépendances qu’elles mettent en jeu mais aussi les conflits qu’elles cristallisent, font à nos manières de concevoir et d’investir le territoire. Les contributions pourront notamment s’intéresser aux défis posés par : l’irruption des non-humains et le retour en force des contraintes écologiques et matérielles ; le renouvellement des modalités de l’action collective et leurs dynamiques multi-scalaires, à la fois horizontale (relations Nord-Sud, villes-campagnes…) et verticale (gouvernance multi-échelle, montée en échelle des expérimentations collectives …) ; les recompositions du capitalisme et les récits d’une réindustrialisation « verte » des territoires ; l’accentuation des inégalités entre territoires ou encore les conséquences des frottements et tensions politiques induits par la transition sur la coexistence des acteurs et des activités au sein même des territoires. Quels sont les concepts, les méthodologies et les rapports au terrain développés pour penser et renseigner ces défis ? Quels sont les pas de côté, les emprunts et les dialogues interdisciplinaires noués ? Avec quelles pertinences et quelles limites ?

Entre transition, transformation, adaptation, quelles sont les postures de recherche adoptées ?

Il s’agit ici d’expliciter nos conceptions des transitions et la manière dont ces conceptions transforment (ou non) les pratiques de recherches, les postures et les formes d’engagement associées, ainsi que leurs potentiels inconforts et difficultés. Quels sont les fondements éthiques qui sous-tendent les questions, les sujets et les approches d’une « géographie des transitions territoriales » ? De quels dysfonctionnements les territoires sont-ils la solution, en quoi constituent-ils une alternative à l’heure des transitions socio-écologique ? La force des approches territoriales tient-elle à leurs dimensions systémique et intégratrice, à leur portée opérationnelle et prescriptive ? Quelles sont leurs capacités à identifier les gagnants et les perdants de la transition, à questionner la dimension structurelle des changements à l’œuvre, voire à prendre en charge dans la pratique-même de recherche, des enjeux de justice, et in fine à porter une critique des modèles dominants ? Quelles postures donnent aux chercheurs les moyens de contribuer à des formes de transitions territoriales justes ? Au final, quelles sont les voies de (dé-)politisation ouvertes par le langage territorial ? Celui-ci relève-t-il d’une vision réformiste et adaptative de la transition ou porte-t-il un projet transformateur et émancipateur ?

Délais et consignes aux auteurs

Les articles définitifs sont attendus pour le 15 novembre 2023 pour une parution fin 2024. Ils devront être envoyés aux coordinateur.trice.s du numéro, Vincent BANOS, vincent.banos@inrae.fr, Sabine GIRARD, sabine.girard@inrae.fr, Marie HOUDART, marie.houdart@inrae.fr, Salma LOUDIYI, salma.loudiyi@vetagro-sup.fr, et en copie au secrétaire de rédaction, André BUISSON, andre.buisson@univ-lyon3.fr.

La proposition sera rédigée au format Word ou Open office, police Times New Roman, et devra comprendre : un titre, un résumé entre 3000 et 5000 signes maximum présentant la problématique de l’article, le cadrage théorique, le ou les terrains d’étude sur lesquels la proposition s’appuie, et 3 à 5 mots clés. Deux versions sont attendues : une comprenant les données personnelles de l’auteur, et une version anonymisée (nom d’auteur, « informations personnelles » attachées au fichier Word, et illustrations compris).

La rédaction de l’article devra respecter les normes de la revue. Merci de consulter à cette fin : https://journals.openedition.org/geocarrefour/1017#tocto2n1 (à noter qu’un style Zotero est disponible). L’article sera d’un volume optimum compris entre 40 000 et 60 000 signes, espaces et bibliographie compris. Les articles seront évalués en double aveugle par le comité de lecture.

• Pour plus d’info : https://journals.openedition.org/geocarrefour/21626

 

 

Agenda

Nov
25
lun
10 h 30 min Groupe thématique DynaTTer
Groupe thématique DynaTTer
Nov 25 @ 10 h 30 min – 12 h 30 min
Présentation par Hélène Bouscasse (CR en économie à l’UMR Cesaer) d’un papier en cours de publication co-écrit avec Lola Blandin (économiste à la CNUCED) et Sandrine Mathy (DR en économie à l’UMR GAEL) intitulé : « Assessing[...]
Nov
28
jeu
10 h 30 min Séminaire EIDER
Séminaire EIDER
Nov 28 @ 10 h 30 min – 12 h 30 min
Intervention de Simon Guédé (Université Rennes 2), sur Evaluation d’un dispositif de soutien à l’activité pastorale de la PAC sur le chargement animal des estives dans les Hautes-Pyrénées. INRAE, aux Cézeaux, salle Chambon   Toute personne extérieure[...]
Déc
10
mar
13 h 30 min Séminaire groupe thématique SESA...
Séminaire groupe thématique SESA...
Déc 10 @ 13 h 30 min – 15 h 30 min
  Présentation /discussion avec Jean-Baptiste Pichancourt (UR 1465 LISC, INRAE) et Sylvain Dernat sur la modélisation des politiques de voies d’adaptation dynamiques (Dynamic Adaptive Policy Pathways, DAPP) adaptée au cadre des systèmes socio-écologiques de l’école de[...]
Déc
13
ven
14 h 00 min Réunion du groupe thématique Dyn...
Réunion du groupe thématique Dyn...
Déc 13 @ 14 h 00 min – 17 h 00 min
  Présentation par Cécile Mattoug (Docteur en géographie et chargée d’enseignement et de recherche à VAS) de son parcours, de ses travaux de recherche antérieurs et de ses recherches actuelles intitulées « “Friches à défendre” : du[...]
Déc
16
lun
10 h 00 min AG UMR Territoires
AG UMR Territoires
Déc 16 @ 10 h 00 min – 16 h 00 min
Lieu et programme précisés ultétieurement
Déc
19
jeu
10 h 30 min SEMINAIRE EIDER
SEMINAIRE EIDER
Déc 19 @ 10 h 30 min – 12 h 30 min
Intervention de Laurence Amblard (INRAE, UMR Territoires) et Lison Lepilleur (INRAE, UMR Territoires), sur Collaborative watershed management : a Q-methodology analysis of the drivers and barriers of collective action. INRAE, aux Cézeaux, salle Chambon  [...]